Agapes Bibliques Fiche #3

  1. Le canon des Ecritures ou la liste officielle des livres de la Bible (AT et NT)

Le texte de la Bible n’a pas été  seulement écrit et transmis, il fallait encore lui donner sa forme définitive, officielle. Il y a là toute une histoire, c’est l’histoire du canon.

  • Comment le comprendre cette formule  « canon biblique » tant dans le judaïsme que dans le christianisme ? Les chrétiens ont reçu, dans un premier temps, la Bible juive comme leur(s) « Ecriture(s) ». A partir du IVème siècle, les autorités chrétiennes introduisent le mot grec canon, « règle », pour signifier la clôture physique du corps biblique, composé de l’Ancien et du Nouveau Testament. Elles déclarent ainsi la Bible, dont la source est « divine », normative dans le domaine de la doctrine ou de la foi. Après bien des tâtonnements et des débats ravivés par la Réforme, le concile de Trente (en 1546) définit « dogmatiquement », soit solennellement et irréversiblement pour les  catholiques, le canon des Ecritures, autrement dit la liste des livres « saints » ou « divinement inspirés ».[1]

L’expression « canon biblique[2] » ou «  canon de la Bible » désigne ainsi cette liste officielle (décidée par une autorité qui en a compétence ou le droit) des livres et des textes reconnus comme inspirés par les communautés croyantes, et entrant, en tant que tels, dans la composition de la Bible qui en est le recueil. Le  canon fixe donc le contenu des Ecritures saintes. Mais son contenu n’est pas le même pour le judaïsme

(qui n’en a que 24) et le christianisme. A l’intérieur même du christianisme, on distingue aussi le canon de la  Bible catholique, établi au concile de Trente, et le canon de la Bible protestante.

  • Les livres des Macchabées sont conservés seulement dans les Bibles chrétiennes. Au nombre de quatre dans la Septante, seuls les deux premiers appartiennent au canon biblique. Quant à l’apocalypse de Jean, elle le dernier livre de la Bible. C’est la seule vraie apocalypse du Nouveau Testament. Sa diffusion début mal : elle a été à un moment exclue du canon des Ecritures. Mais elle sera réintégrée au sein de la Bible. Elle suscitera alors une importante production artistique.[3]
  • Ci-joint la liste de différents livres selon le canons juif et le canon chrétien de la Bible (voir photocopies remises à  chacun et chacune des participants).
  1. La Bible : langues du monde et problème de traductions

« Tous les habitants de la terre avaient une seule langue

                  et  un seul parler et ils s’entretenaient dans la langue du

                  Sanctuaire, car c’est avec elle que le monde fut créé, à l’origine. »

                                                    (Gn 11,1).

Les chrétiens ont une visée fondamentalement missionnaire. Ils sont donc en principe favorables à toute traduction. Leur Bible fondatrice, la Septante grecque, est d’ailleurs une traduction.

La Bible juive a été écrite en langue hébraïque. Selon une légende fameuse remontant au IIème siècle av. J.-C., chez les Juifs d’Egypte, la traduction grecque de la  Bible, la première de toutes, est l’œuvre simultanée de 72 (septante-deux ou soixante-douze) savants venus de Jérusalem à  Alexandrie (en Egypte) : chacun séparément traduit le texte sacré d’une façon rigoureusement identique à celle de tous les autres. Les Pères de l’Eglise homologuent et diffusent cette histoire. Les chrétiens des premiers siècles instituent le mot latin  « septuaginta », soixante-dix, comme titre global de la Bible grecque. Aujourd’hui, on appelle toujours « Septante » la totalité de l’Ancien  Testament grec.[4]

  • Les chrétiens adoptent d’emblée la Bible grecque. Ils la traduisent ensuite en plusieurs autres langues.  Après le désastre de 70  et la ruine du Temple, les juifs la tiennent dès lors à distance.
  • La Bible grecque ou la Septante est la mère des  Bibles chrétiennes. En effet, du 1er siècle au 9ème  siècle, la Septante sert de matrice à bien d’autres Bibles, qui en sont directement issues.
  • La traduction latine devient vite une nécessité pour les chrétiens, chez qui le grec n’est plus la langue exclusive pour la communication et le culte. On la réalise à partir du grec, d’abord en Afrique du Nord, ensuite dans la  Gaule méridionale, puis à Rome.
  • La constitution de la  Vulgate et son long destin.

Saint Jérôme (342-420) ouvre le destin occidental de la Bible à son espace décisif. Aménagées et complétées sous le nom de « Vulgate », les Ecritures latines dont il est le père imposent leur autorité en Occident jusqu’au milieu du XXème siècle. Jérôme a traduit la Bible dans l’intention d’instaurer la « vérité hébraïque ». Persuadé que  « là où il y a diversité il ne peut y a voir vérité », Jérôme formule sa théorie de la traduction bâtie sur le principe de la veritas hebraica. L’hébreu est pour lui la « mère de toutes les langues », les lettres de l’alphabet étant vingt-deux comme les livres de la Bible hébraïque. Il a un opposant de marque en Augustin, évêque d’Hippone (+ 430) qui, contrairement à lui, affirme que le texte de la Septante est lui-même « inspiré ».

Malgré des oppositions, la Bible de Jérôme l’emporte sur toute autre en Occident.

Sous le pape Grégoire le Grand (+604), la Vulgate est adoptée majoritairement à Rome ; de là, elle s’impose ensuite en Espagne et en Angleterre. En 1546, le concile de Trente déclare son texte  authenticus (« authentique », dans le sens d’ « officiel ») et définit la liste complète de ses livres comme « canonique ».

Des siècles durant, jusqu’au seuil du 20ème siècle chez les catholiques, les traductions dans les langues modernes sont faites à partir d’elle.

La Vulgate est ainsi très longtemps le monument littéraire majeur des sociétés occidentales. Elle contribue à l’évolution philologique et lexicale du français. Or, en 1943, dans sa grande Encyclique sur les études bibliques (Divino afflante Spiritu), le pape Pie XII réhabilite la valeur prioritaire des textes originaux pour la traduction et pour l’interprétation de la Bible : la  Vulgate perd son statut de livre de référence ; elle n’est plus que l’une des versions particulièrement vénérable de la Bible.[5]

  • Bibles européennes en anglais et en allemand

L’Angleterre et les pays de langue anglaise sont largement en tête par le nombre et l’importance des traductions de la Bible. Grâce à l’œuvre de Luther, l’Allemagne vient en second rang.

La première Bible complète, réalisée à partir de la Vulgate, est due à une équipe que dirige l’érudit John WYCLIF, protestant avant l’heure ; elle date de 1382-1384. Elle est destinée à l’homme moyen et non aux clercs (prêtres). Quarante ans après sa mort (1384), Wyclif est exhumé et brûlé comme auparavant sa  Bible. Celle-ci ne perd rien pour autant de sa popularité : elle s’impose jusqu’au début du XVIème siècle.

La Bible de Tyndale : vers l’anglais littéraire. C’est l’œuvre de William TYNDALE (1494-1536), il est le père de la Bible anglophone. Et sa Bible a joué un rôle décisif dans l’élévation de l’anglais au plan de langue littéraire.

La « King James Version » : institution séculaire. A l’initiative du roi Jacques Ier  (1566-1625) plusieurs équipes de savants et d’experts se met au travail pour  réaliser une version complète de la Bible. Les traductions antérieures, même catholiques, sont utilisées ; et l’œuvre est terminée en 1611. La King James Version est un monument littéraire qui tient une place unique dans la nation anglaise. Plusieurs fois révisée, elle règne jusqu’à la fin du XIXème  siècle.

Les Bibles contemporaines : la English Revised Version ; la Revised Standard Version, bible américaine, la New English Bible (1970), The Living Bible (1976), version catholique paraphrasée à succès ; et l’adaptation anglaise de la Bible de Jérusalem. etc.

Allemagne : de Martin Luther à Mendelsshon

La première Bible allemande imprimée est celle de l’éditeur Johann MENTEL : publiée à Strasbourg en 1466, elle est probablement réalisée un siècle plus tôt à partir de la Vulgate.

La Bible traduite par Martin Luther (1453-1546), à partir des textes originaux, appartient à l’histoire de la langue et de la littérature allemandes. Cette œuvre est écrite dans la langue parlée par la cour de l’électorat de Saxe, enrichie de nombreux emprunts à  d’autres dialectes germains. Luther réussit à transcrire la Bible dans le langage de ses contemporains, et par sa diffusion son œuvre contribue puissamment à l’essor de l’allemand moderne. Le Nouveau Testament paraît en 1522, la Bible entière en 1534. C’est la première Bible complète traduite des textes originaux dans une langue européenne moderne.[6]

  • La Bible juive des « Lumières » : Mendelsshon

Il a fallu attendre la fin du  XVIIIème siècle pour voir les juifs d’Europe centrale et orientale contribuer à l’élan de progrès de la société occidentale, les « Lumières ». Ils créent un mouvement d’assimilation portant le nom de « haskalah » dont le représentant le plus éminent est l’allemand Moïse MENDELSSHON (1721-1786). A partir de 1769, ce dernier se lance dans la traduction de la Bible (ancien Testament) en allemand. Le Pentateuque, de Mendelsshon en personne, paraît en 1783. Cette version est accompagnée du texte original et d’un commentaire en hébreu. Par pudeur, on l’imprime d’abord en allemand en caractères hébraïque. Luther traduit le nom divin Yahvé par  « le Seigneur », comme la Septante qui emploie le nom kyrios et la Vulgate dominus.  Mendelsshon opte lui pour « l’Eternel », formule acceptée par les juifs germanophones. Néanmoins, sa traduction est rejetée par les juifs orthodoxes ou conservateurs d’Allemagne.

  • Les Bibles européennes en langue française

Le développement des Bibles françaises subit le contrecoup des guerres de religions. La langue française est en pleine évolution. Ainsi le développement des Bibles en français  ne va connaître son moment décisif que vers la fin du XVIIème siècle. Voici quelques grandes Bibles protestantes et catholiques.

Bibles protestantes francophones

On utilise d’abord la Bible de Lefèvre d’Etaples (Anvers 1530 et 1534),  traduction de la Vulgate, point de départ pour de nouvelles versions, tant catholiques que réformées. Olivétan, un proche de Calvin fait paraître en 1535 à Neuchâtel (Suisse) la première Bible protestante en français, réalisée cette fois à partir des textes originaux  :  c’est la Bible de Neuchâtel ou Bible d’Olivétan. Au début cette Bible n’a pas connu de succès commercial. Mais elle a ouvert une voie pour traduire la Bible. Plusieurs fois révisée et rééditée (principalement à Genève), elle sert même de source à des Bibles catholiques. La Bible de David MARTIN (Amsterdam, 1696-1707) et celle de J.F. OSTERVALD (Neuchâtel 1744) seront remaniées pour devenir la très populaire et toujours fameuse Bible protestante de Louis SEGOND (en un seul volume : La Sainte Bible, Oxford 1880).

Bibles catholiques

La Bible de LEFEVRE D’ETAPLES (interdite en 1546) sert de fondement à l’entreprise catholique de Nicolas de Leuze et de François de Larben, La Sainte Bible publiée à Louvain en 1550. Tout au long du XXème siècle, la Bible du chanoine Augustin CRAMPON 51826-1894). La première Bible catholique française traduite des textes originaux (Tournai 1904) ne cesse d’être rééditée. A partir du milieu du siècle, nombre de concurrentes parviennent progressivement à la détrôner.

La libération des Bibles françaises va intervenir à la fin du XIXème siècle. C’est l’effet d’une émancipation quasi généralisée du texte biblique. L’affirmation politique de l’idéologie laïque  n’y est pas étrangère ; sans omettre la reconnaissance par la papauté (Léon XIII en 1893, avec l’Encyclique Provenditissimus  et de Pie XII en 1943, avec Divino afflante Spiritu)  de la prééminence du texte original et de la fonction de l’étude scientifique de la Bile. Il y a aussi la dynamique du « renouveau biblique » universel (traduite en 70 langues au début de ce siècle, la Bible dépasse les 1800 idiomes en 1990). Citons quelques Bibles connues : La Bible d’A. Chouraqui (1985) du côté juif ; la Sainte  Bible de Maredsous (1950), La Sainte Bible dite du cardinal LIETART (1951), La Bible d’E. OSTY (1973) chez les catholiques ; La Bible de la Pléiade (1956-1971) sans référence confessionnelle ; etc.

Après Vatican II, un effort œcuménique présente la Bible de la TOB : le Nouveau Testament en 1973 et l’Ancien Testament en 1975 (traduction œcuménique de la Bible) ; en 1986, la parution de la Bible  d’Alexandrie ;  enfin la « Bible de Jérusalem » qui est une Vulgate française, réalisée en réponse aux directives de l’Encyclique de Pie XII sur les études bibliques. Ce sont les dominicains de l’Ecole biblique et archéologique de Jérusalem qui ont entrepris cette œuvre immense ! C’est un travail collectif, scientifique et littéraire.

  1.  La division de la Bible en versets et en chapitres

Pour retrouver aisément un passage, les Pères de l’Eglise divisent les livres bibliques en sections. Aujourd’hui, la Bible est unanimement divisée en chapitres et en versets. La division en chapitres date de 1203 : on la doit au théologien et bibliste Stephen LANGTON, d’abord étudiant et professeur à Paris puis archevêque de Canterbury. La division en versets n’apparaît qu’au  XVIème siècle, avec l’imprimerie (dans une Bible française complète, en 1553 avec l’édition de Robert ESTIENNE).

  1. La Bible  :  l’Inquisition et l’Index
  • « L’Index » est le raccourci de la formule « Liste (Index en latin) des livres interdits ». il s’agit d’ouvrages que les membres de l’Eglise catholique ne peuvent ni lire ni même posséder, en dehors de cas particuliers. Le premier Index fut promulgué par l’Inquisition en 1557, sous le pape Paul IV. En 1917, Benoît XV  le transfère au Saint Office.  Il est supprimé depuis 1966.
  • En 1233, le roi d’Aragon Jacques Ier interdit à tous ses sujets, clercs ou non, de conserver des traductions bibliques : toutes doivent être brûlées. En 1478, la Bible catalane de Bonifaci Ferrer est livrée aux flammes par l’Inquisition (un seul exemplaire sera sauvé). En France, l’édit de  Châteaubriant publié par Henri II en 1552 et coordonnant les mesures prises contre les protestants, est très significatif. Il interdit entre autres que soient imprimés, diffusés ou lus les traductions non latines de la Bible et tout autre texte sur les Ecritures datant des quarante dernières années.
  • La discipline de Rome. A partir du concile de Trente, l’autorité pontificale, par le relais de l’Index, impose une réglementation stricte à la publication des Bibles en langues vernaculaires. Son but premier est de maintenir, face aux dérives souvent éclatées de la Réforme, la cohérence de la foi catholique. Dans l’Index 1559, Paul IV dresse une liste de Bibles interdites et ajoute que toutes les Bibles en langue vulgaire ne peuvent être imprimées ni conservées sans une permission du Saint-Office. C’est bien la prohibition de la lecture biblique hors de la Vulgate.

Durant deux siècles, ces règles sévères sont strictement appliquées en Espagne, au Portugal et surtout en Italie ; en revanche assez peu en France, en Allemagne et en Hollande. En 1757, Benoît apporte une modification : « Ces versions de la Bible en langue vulgaire sont néanmoins permises si elles ont été approuvées aux saints Pères  ou aux docteurs catholiques. » Aujourd’hui, on s’en tient quasiment à cette loi.

  1. Inspiration et vérité de la sainte Ecriture[7]

–          Pour le christianisme, la Bible dans sa totalité est « inspirée par l’Esprit Saint ». Sa source profonde est donc céleste. Elle est ainsi le témoin privilégié de la « révélation » divine. Il y a cependant l’auteur, homme parmi d’autres, mais vrai partenaire de cette force qui l’inspire.

Sur le fait de l’inspiration repose l’affirmation de l’infaillibilité totale des Ecritures quant aux choses spirituelles et morales ; c’est le privilège de l’«inerrance ». Telle est la doctrine chrétienne, déjà formulée à sa façon par le Nouveau Testament. L’adjectif « inspiré » se trouve dans la version latine de 2 Tm 3,16 : « Toute Ecriture est inspirée de Dieu (divinitus inspirata) », écrit saint Paul. Pour l’auteur de 2 Pierre, les prophètes sont « portés par l’Esprit Saint (inspirati) » (1,21).

–          Dieu est l’auteur des Ecritures, mais le rôle de l’homme n’est pas pour autant omis. Et l’idée de l’auteur humain comme « instrument[8] » de Dieu complète tout naturellement ces représentations. Elle s’impose pour des siècles. Il a fallu attendre le concile Vatican I pour que l’Eglise romaine donne une définition formelle et solennelle de l’inspiration des Ecritures. Pour la Bible, les eux partenaires identifiés et reconnus sont d’un côté l’Esprit Saint, de l’autre l’auteur véritable mais inspiré, « instrument » de Dieu. L’autonomie respective de la part divine et de la part humaine dans l’écriture biblique est ainsi prise en compte, comme condition de leur harmonie.

–          La Bible est à la fois Parole de Dieu et parole humaine. J’ai abordé cette question, par anticipation de l’inspiration biblique et inerrance des Ecritures.  Le problème de la vérité de l’Ecriture vient pour ainsi dire conclure cette problématique.

  1.  La Vérité de l’Ecriture ou vérité « révélée »

La Bible  est mise à rude épreuve à l’heure de la science. Avec la sécularisation de la société, la culture se trouve émancipée par rapport à la religion et à son réseau d’institutions. Les vérités qui relèvent d’une vérification scientifique se dérobent à tout fondement biblique. Elles libèrent leur champ propre aux vérités religieuses, « révélées » par Dieu. Petit à petit les autorités ecclésiastiques vont comprendre que le champ religieux n’est pas la sphère scientifique.

Ainsi, en 1893, le pape Léon  XIII publie une lettre sur la Bible et les études bibliques, l’Encyclique Providentissimus[9]. Il est le premier à oser traiter le problème des Ecritures saintes en partenaire avisé du monde moderne. Il pose la question de la vérité des Ecritures inspirées d’une façon adéquate. La Bible, dit-il, ne propose aucune leçon d’histoire naturelle : son enseignement concerne essentiellement des réalités ou moyens destinés au « salut » des hommes.  Les savants ne sont plus d’office les ennemis ni de la Bible ni de la Révélation divine dont elle témoigne. On respecte en retour les frontières de leur savoir.

En 1943, Pie XII marque le cinquantième anniversaire de Providentissimus par une nouvelle encyclique sur les études bibliques, Divino afflante Spiritu, document quasi définitif. Il demande aux « exégètes » de discerner « quels genres littéraires les auteurs de cet âge antique ont voulu employer ». En d’autres termes, il préconise qu’ils désignent « les formes et manières de dire… dont l’usage était reçu par les hommes de leur temps et de leur pays ». Cette tâche exige le recours à la critique, avec le concours  « des ressources de l’histoire, de l’archéologie, de l’ethnologie et des autres sciences ». Avec cette homologation des « genres littéraires », toute affaire Galilée est désormais impossible[10].

Le concile Vatican II vient couronner de succès cette lente évolution, voire révolution de la conscience de l’Eglise catholique qui s’est mise au diapason de la science en évitant d’être en porte à faux avec elle ! L’enseignement des papes sera appuyé et renforcé. Le document qui revêt une grande valeur, du fait qu’il est une constitution dogmatique sur la révélation divine, est « Dei Verbum », promulguée le  18 novembre 1965.

  1. Comment il faut interpréter la sainte Ecriture
  • Dieu parle dans la sainte Ecriture      par  des intermédiaires humains à la      façon des hommes : pour saisir clairement quels échanges Dieu      lui-même a voulu avoir avec nous, l’interprète de la sainte Ecriture doit      rechercher c e que les hagiographes (écrivains sacrés) ont eu réellement      l’intention de nous f aire comprendre, ce qu’il a plu à dieu de nous faire      connaître par leur parole. » Pour cela, il faut être attentif aux      « genres littéraires ». Et cela dépend des époques où les      hagiographes ont écrit (textes historiques à titres divers, textes      prophétiques, textes poétique, ou les autres sortes de langage). Pour      comprendre correctement ce que l’auteur sacré a voulu affirmer par écrit,      il faut soigneusement prendre garde aux façons de sentir, de dire ou de      raconter, qui étaient habituelles dans le milieu et à l’époque de      l’hagiographe, et à celles qui étaient habituellement en usage à cette      époque, dans les relations entres les hommes.
  • En outre, comme l’Ecriture sainte doit      être lue et interprétée avec le même Esprit qui l’a fait écrire, pour      découvrir correctement le sens des textes sacrés, il ne faut pas donner      une moindre attention au contenu et à l’unité de l’Ecriture tout entière,      compte tenu de la Tradition vivante de l’Eglise tout entière, et de      l’analogie de la foi.
  • Telles sont les directives du concile en      vue de mener à bien toute bonne recherche dans l’étude des textes de la      sainte Ecriture, et cela s’adresse particulièrement aux exégètes. « Car tout ce qui concerne la manière      d’interpréter l’Ecriture est soumis en dernier lieu au jugement de      l’Eglise, qui s’acquitte de l’ordre et du ministère divin de garder  et d’interpréter la parole de Dieu[11]. »
  1. Les sens de l’Ecriture
  • La Bible s’écrit aussi avec la Bible. Le      texte d’hier en Israël biblique soulève la question de sa compréhension      par le lecteur contemporain. Chaque génération d’hommes bibliques est      appelée à l’actualiser et pour ce faire en extraire le sens. « Aussi,      fait remarquer André Paul,  tout      écrit biblique est-il le commentaire, l’explicitation et le prolongement      d’un écrit ou d’écrits antérieurs. On peut dire que, de quelque façon, la      Bible s’écrit avec la Bible… Vis-à-vis d’elle-même dans sa constitution,      et vis-à-vis de ses destinataires ou lecteurs de tous les temps, la Bible      est un lieu d’interprétation aux accès et aux débouchés illimités. »[12]
  • La Bible se commente d’abord elle-même.      Pour une large part, les activités et méthodes qui entrent en jeu dans      « l’écriture de la Bible avec      la Bible » sont juives. Antérieures de plusieurs siècles à      l’avènement du christianisme, elles contribuent largement à la production      des derniers livres de l’Ancien Testament. Elles sont très présentes aussi      dans la composition du Nouveau Testament. Elles le sont encore après la      constitution du canon  biblique. Le      juif de langue  grecque Philon      d’Alexandrie, occupe ici une place à part. On lui doit un commentaire      complet du Pentateuque ; sa méthode, héritée des Grecs, est celle de l’allégorie (transposition de la      signification originelle du traité sur le registre des  valeurs spirituelles).
  • Les « quatre sens » de l’Ecriture :
  1. Le sens littéral : la signification première, apparente et obvie, des mots eux-mêmes et de l’histoire des faits rapportés  (d’où sont autre nom : sens historique).
  2. Le sens allégorique : les leçons spirituelles cachées sous la lettre ; elles éclairent les mystères présents ou futurs du Christ et de l’Eglise.
  3. Le sens tropologique (du grec tropos, « façon », « manière ») : les messages détectées qui incitent  à s’orienter vers la vertu, en vue de la conversion du cœur (c’est le sens « moral »).
  4. Le sens anagogique (du grec anagôgé, »élévation », « sublimation ») : les voix plus ou moins latentes du texte qui élèvent jusqu’aux choses invisibles et célestes, ouvrant déjà aux joies de la vie future.

[1] André PAUL, La Bible. Histoire, Textes, et Interprétations, Nathan, Paris 1955, p. 5.

[2] Marc-Alain OUAKNIN, Mystères de la Bible, éd.  Assouline, 2008, pp.163-164. En français, le mot « canon » est d’abord attesté sous la forme cane au sens de règle religieuse (1119) puis canon au XIIIème siècle (1259), avec le sens concret du tuyau de bois dans une machine hydraulique, et surtout avec le sens figuré de modèle, règle, dans les domaines de l’art, de la langue administrative et juridique ainsi que dans le domaine religieux où il désigne des livres sacrés, ou un décret concernant la discipline ecclésiastique

[3] André PAUL, op.cit., p. 68 et 106.

[4] Cf. André PAUL, op.cit., p. 9.

[5] Cf. id., pp. 12.13.

[6] Cf. André PAUL, p.16.17.

[7] Le concile Vatican II expose ce que l’Eglise catholique entend par cela au chapitre 3 de la constitution dogmatique sur la révélation divine (Dei Verbum), dans Les Actes du Concile Vatican II. Textes intégraux, Cerf, Paris 1966, p. 20.

[8] Déjà présente chez le juif Philon d’Alexandrie.

[9] En voici trois extraits  éloquents et significatifs :   – « Il est évident que dans les questions historiques, telles que l’origine et la conservation des ouvrages, les  témoignages de l’histoire l’emportent sur les autres et doivent être recherchés et discutés avec le plus grand soin. » – « Il n’y aura aucun désaccord  entre le théologien et le savant, du moment que tous deux se maintiennent dans leurs limites, en veillant, suivant l’avertissement de saint Augustin, à « ne pas affirmer sans réflexion l’inconnu comme connu ». » – « Plutôt que de poursuivre une investigation en règle de la nature (les auteurs inspirés) décrivaient et traitaient des choses occasionnellement, soit en style figuratif, soit selon la manière de parler courante en leur temps. »

[10] Cf. André PAUL, op. cit., p.145.

[11]  Constitution dogmatique « Dei Verbum », n° 12, p. 22.

[12] Op. cit., p. 142.

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